Transcription texte de l’interview :
Caroline Drouart : Bonjour Guy je suis heureuse de t’avoir aujourd’hui au téléphone pour faire cette interview. Alors on ne peut pas se voir en ce moment effectivement parce que nous sommes en période de confinement donc je t’ai proposé de faire cette interview par téléphone.
Tu es praticien en médecine chinoise et donc à ce titre tu pratiques l’acupuncture, c’est ce qui m’intéresse aujourd’hui notamment dans mon défi pour découvrir les techniques relatives au contrôle, et en tout cas apprendre à gérer son stress.
On va en parler, l’acupuncture n’est pas que ça et la médecine chinoise n’est pas que l’acupuncture.
Donc je voulais déjà que tu puisses te présenter et nous dire rapidement en quoi on pourrait te qualifier d’acupuncteur et si c’est le bon terme ou pas ?
Guy Mura : Merci déjà de prendre ce temps pour m’interviewer, tant mieux si ça peut aider tes lecteurs. L’acupuncture c’est une des branches, un des cinq piliers de la médecine traditionnelle chinoise. Donc pour être acupuncteur il faut avoir fait des études de médecine chinoise. L’acupuncture en soi n’est qu’un outil, une méthode thérapeutique, qui va permettre de retrouver un équilibre dans son corps, un équilibre énergétique
L’acupuncture ne sert pas à grand-chose si les principes fondamentaux de la médecine traditionnelle chinoise, notamment tout ce qui va nous permettre de pouvoir faire des bilans énergétiques, ne sont pas abordés ni acquis. Donc oui on peut m’appeler acupuncteur mais en fait je préfère dire aux gens que je suis médecin chinois parce que je n’utilise pas que l’acupuncture, même si j’ai quand même une spécialité en acupuncture.
Caroline Drouart : Acupuncteur seulement, ce serait réducteur ?
Guy Mura : En fait j’ai des confrères qui ne font que de l’acupuncture, qui ne travaillent qu’en acupuncture. Moi je pense, et mon expérience personnelle me le montre, que, par exemple pour les pathologies locomoteur, avec le travail en Tui Na (en massages, en étirements) on a des résultats qui vont, pour moi en tout cas, bien au-delà de l’acupuncture. On utilise beaucoup les massages et les ventouses.
Caroline Drouart : tu parles des gens qui viennent te voir parce qu’ils n’arrivent pas à bouger certaines articulations ou certains muscles ?
Guy Mura : C’est ça, des personnes qui, par exemple, ont depuis plus de 20 ans une épaule gelée ou « capsulite rétractile ». Ce sont des personnes qui ne peuvent plus utiliser ni épaule ni bras, dont la ceinture scapulaire est complètement collée. Avec le Tui Na, on améliore très grandement le confort et on retrouve le mouvement assez rapidement, en quelques semaines. C’est pour ça que je préfère dire que je suis médecin chinois car j’utilise plusieurs autres vecteurs : la pharmacopée, la moxibustion, les ventouses, le Tui Na, l’hygiène de vie dans le sens hygiène alimentaire, les rythmes de sommeil. C’est plus vaste que ça.
Caroline Drouart : Et la moxibustion, si tu peux juste expliquer ce que c’est ? C’est pas très courant comme terme !
Guy Mura : oui ça vient du terme mogusa en japonais qui est l’art de faire brûler une plante, l’armoise, que nous avons en France, l’Artemisia folia ou l’Artemisia vulgaris, ça va dépendre des régions.
Cela consiste en un apport calorifère en certains points de certains méridiens du corps qui sont en rapport avec les déséquilibres énoncés par le patient.
En fait la traduction littérale d’acupuncture en chinois est aiguille de feu. La cautérisation est une méthode qui serait a priori antérieure à celle de l’acupuncture. Donc on travaille beaucoup avec le moxa parce que c’est une plante qui vibre au même niveau vibratoire que l’être humain, les sages anciens l’avaient constaté. c’est une chaleur dite « chaude » dans la mesure où elle pénètre vraiment à l’intérieur du corps et ne s’arrête pas à la surface de l’épiderme.
Donc c’est vraiment quelque chose qui accroît sensiblement les résultats thérapeutiques.
Après il y a plusieurs types de moxa : avec fumée sans fumée. J’utilise beaucoup le moxa avec fumée, notamment dans les cas de forte humidité interne pour que la personne puisse aussi en respirer, en absorber, et que cela vienne assécher le terrain quand la Rate ne fait pas suffisamment son travail.
Caroline Drouart : Donc en fait tu mixes l’acupuncture et la moxibustion?
Guy Mura : Voilà, et puis c’est même assez fréquent que, avant la séance à proprement parler, une fois que j’ai pris les pouls et fait les investigations nécessaires (par exemple tout à l’heure je te parlais des cas de capsules dites rétractiles), je vais travailler d’abord à mobiliser le sang en profondeur et décoapter les tissus en profondeur. Donc j’utiliserai beaucoup les ventouses. Ensuite je peux très bien faire de l’acupuncture, et moxer derrière ou en même temps. Je peux aussi ne faire que des séances de moxibustion notamment de la moxibustion abdominale ou alors uniquement des séances de Tui Na. Mais j’ai envie de dire que presque chaque thérapeutique, chaque outil, pourrait se suffire à elle-même. C’est aussi un art de pouvoir les mélanger pour un traitement plus efficace du patient.
Caroline Drouart : ça a l’air très complet, donc avant qu’on parle exactement de traiter les personnes qui viennent te voir pour le stress je voulais juste faire un petit point car tu parles de choses tellement techniques : quelle formation as-tu et à quoi nous, en tant que patient, devons-nous être attentifs quand on choisit son praticien ?
Guy Mura : ça c’est effectivement une question importante. Donc, pour ma part, a toute première école que j’ai commencée c’était il y a 21 ans et je suis encore fraîchement diplômé d’une dernière école. Donc j’ai suivi l’enseignement de quatre écoles de médecine traditionnelle chinoise sur 20 ans.
Alors tout le monde ne fait pas ça, des gens s’arrêtent au bout d’une école. J’ai envie de te dire que je ne suis pas plus doué que quelqu’un d’autre et que ma priorité était d’être certain d’apporter une plus-value, un meilleur confort, et de rééquilibrer sans faire de mal.
L’acupuncture est loin d’être anodine. On la classe parmi les médecines douces mais en réalité ça peut faire beaucoup de mal, notamment si les grands principes de la médecine chinoise ne sont pas suivis : on ne remplit jamais un plein et on ne vide jamais un vide. C’est bête à dire comme ça mais c’est l’application concrète, clinique : il faut déjà que les praticiens puissent détecter quand il y a un vide, quand il y a une plénitude, savoir s’il s’agit d’un vide vrai ou d’une plénitude vraie, ou d’un vide apparent ou d’une plénitude apparente. Il y a quand même des choses à sentir, à savoir et à vérifier auprès du patient.
Caroline Drouart : On va parler de comment se déroule la séance, mais ce que j’entends de tout ce que tu me dis c’est que par rapport à une consultation de médecine occidentale, le praticien en médecine chinoise a une vision beaucoup plus globale, ce qu’on appelle vraiment une médecine holistique pour pouvoir déterminer d’où vient le problème de la personne ?
Guy Mura : Tout à fait, en tout cas moi c’est une des conclusions que je peux tirer de ma pratique clinique.
Très souvent, que ce soit des pathologies digestives, des pathologies mécaniques, du système locomoteur ou autre, même une atteinte des tissus mous, quand on va gratter un petit peu, on se rend compte que c’était en grande partie du à des problèmes émotionnels, qui datent de plus ou moins longtemps. Mais dans tous les cas ça vient souvent en répercussion des états émotionnels liés à un choc ancien, un traumatisme ancien ou alors une difficulté, une perte de sens dans sa vie.
C’est quand même assez régulièrement ce genre de choses. Effectivement la médecine chinoise est une médecine holistique c’est-à-dire qu’elle prend ça aussi en compte lors du traitement.
Et d’ailleurs si on ne prend pas en compte la plainte sur laquelle la personne se présente, soit on n’a pas résultat probant ou alors, tout de suite après va recommencer quelque chose d’autre ailleurs, parce qu’on a pas été au fond du problème, parce qu’on a pas été au nœud.
Caroline Drouart : Alors cela illustre exactement en fait ce pourquoi les personnes viennent te voir pour leur problème de stress. J’allais te poser la question, ça m’enlève un petit peu les mots de la bouche, mais c’est exactement ça. J’avais dans l’idée effectivement, même si je ne suis pas venue te consulter pour ces problèmes de stress, que beaucoup de personnes ont besoin d’être soulagées immédiatement. Elles vont se tourner vers l’acupuncture qui va avoir un effet, tu vas pouvoir en parler, mais qui ne va pas être suffisant ?
Guy Mura : Tout dépend de la façon dont on prend les choses. Si la personne se présente en disant « je suis stressée je voudrais me déstresser« , en fait ce qu’il faut savoir c’est que bien souvent on emploie des termes génériques qui n’ont pas le même sens pour chacun. Donc la première des choses c’est de poser la question « mais comment se manifeste votre stress, qu’est-ce que vous pouvez me dire des symptômes que vous avez quand il se manifeste ? «
Là on va pouvoir aller un petit peu plus loin parce que la personne va pouvoir expliquer que, par exemple, elle a beaucoup de mal à s’endormir ou elle s’endort mais au bout d’une heure elle se réveille et elle fait quatre heures insomnie, elle cogite beaucoup, elle sent des tremblements permanents dans son corps, elle a des palpitations, un souffle court … Elle va en fait expliquer les différentes manifestations qui nous mettront sur la voie du travail à faire.
Caroline Drouart : Le mal de dos ? Les intestins ?
Guy Mura : Oui voilà « j’en ai plein le dos« , ça peut être les intestins, les articulations des genoux qui prennent parce que en fait les gens n’arrivent plus à porter le poids de leur corps…
De ce point de vue-là, et c’est toute la richesse de la médecine chinoise , c’est que chaque personne est unique, ce que je vais proposer comme traitement va être le résultat des investigations tant orales que physiques – palpation abdominale, prise de pouls, etc – que je vais avoir fait au préalable. Donc je vais pouvoir, avec les symptômes qui me sont donnés, voir quels sont les organes concernés ou les éléments concernés de façon à pouvoir rétablir un équilibre énergétique dans le corps. En sachant que le français est un bon occidental comme je le dis souvent, souvent il consulte quand…
Caroline Drouart : C’est déjà trop tard ?
Guy Mura : Oui ou en tous les cas très tardivement, c’est souvent le cas. On voit aussi en cabinet des personnes qui souvent consultent après avoir essayé toute la panoplie de la médecine occidentale
Caroline Drouart : Surtout médicamenteuse ?
Guy Mura : Par exemple, sans avoir eu les résultats attendus.
Caroline Drouart : Des résultats de surface ?
Guy Mura : Oui, mais ça veut dire aussi que nous intervenons, nous, relativement tard dans le processus de récupération. Donc, nécessairement, et c’est souvent une question posée, cela demande du temps un traitement comme celui-là.
Puis une des choses sur lesquelles j’insiste, c’est que la personne qui vient dans le but de retrouver un équilibre notamment émotionnel, mais pas que. J’essaye faire émerger que ce qu’elle vit aujourd’hui est le résultat de ce qu’elle a été et de sa façon de vivre. Donc forcément, oui l’acupuncture est très importante mais ne va pas suffire. Dans le sens où, s’il n’y a pas de modification, de réorientation d’axe de vie, de remettre l’essentiel au centre, si il n’y a pas une compréhension profonde de ce qui fait que la personne en arrive là où elle en est aujourd’hui, il y a de fortes chances que même si on a des résultats probants au bout de quelques semaines, voire quelques mois, dans un avenir plus ou moins proche les symptômes reviennent parce que le fond n’a pas été touché, solutionné.
Or la médecine chinoise est plus qu’une médecine, c’est un Art de vivre, une philosophie de vie. Il y a des principes et des concepts qui sont très importants, c’est le Shen qui est au centre
Caroline Drouart: le fameux Shen ?
Guy Mura : le Shen, c’est la relation au tout universel, l’important est de remettre en relation le petit Shen qui est à l’intérieur de chacun, dont chacun dispose, en lien ou en connexion, avec le grand Shen, le grand Tout.
Caroline Drouart : je parle souvent de s’aligner, d’être en alignement…
Guy Mura : oui c’est ça tout à fait.
Caroline Drouart : donc ce que j’entends là, c’est que pour aider les personnes quand elles viennent te voir, comment va se dérouler la séance … J’ai bien compris qu’il y avait une phase d’entretien, une première phase qui permet d’enquêter, de déterminer, d’aider la personne à exprimer son besoin et en fait tu commences ta thérapie à ce moment-là, comment va se dérouler globalement la séance ?
Guy Mura : La phase d’interrogatoire est très importante parce que souvent, des personnes me disent des choses dont elles déclarent ne jamais en avoir parlé à personne. Donc cela veut dire que ça tourne en boucle à l’intérieur de soi, on se répète un peu toujours les mêmes mots, on voit toujours les choses de la même façon, du même point de vue.
Le fait de devoir les exprimer, quelque part de les faire sortir de soi, et d’avoir une personne en face qui réagit à ces mots et qui certainement posera des questions, va obliger la personne à aller plus loin et voir les choses différemment que jusqu’à présent.
Donc, comme tu dis, c’est très important parce que cela permet souvent à la personne de se rendre compte qu’elle a toujours pensé les choses de cette façon-là, elle n’avait pas vu le point de vue qu’on lui soumet.
Caroline Drouart : Une prise de conscience ?
Guy Mura : Prise de conscience, ça décristallise, ça enlève de la rigidité et la fixité à l’image et cela permet de retrouver un début de souplesse, de mouvement car c’est cela que nous allons chercher nous en premier lieu : remettre du mouvement là où il y avait stagnation. Donc c’est très important, ça fait partie de la thérapeutique.
Ensuite une fois que la personne s’est exprimée, que je lui aurai posé les questions que je sentais avoir à lui poser, elle va s’allonger sur la table d’examen et puis je vais parcourir son corps : déjà l’observation est très importante, l’olfaction… On a déjà des renseignements sur l’état global de la personne rien qu’en la regardant et en écoutant. Une personne qui, du pas de la porte d’entrée, arrive dans le cabinet essoufflée alors qu’il n’y a que deux marches à gravir, je verrai qu’il y a peut-être quelque chose en lien avec la respiration, ou le système cardio-respiratoire et que je vais devoir investiguer un petit peu plus là-dessus.
Très sympa, le format podcast. Pour une première, c’est une vraie réussite ! Bravo.
Merci, c’est gentil, une première qui donne envie de recommencer !